Autrefois, chaque petit village comptait au moins un « patenteux », qui arrivait à construire des bidules uniques et originaux à partir de pièces récupérées ici et là.
Le technologue en génie mécanique est, en quelque sorte, le descendant du patenteux… en beaucoup plus moderne ! Il est en tout cas aussi débrouillard. Vis, boulons, roulettes, poulies, pistons, courroies de caoutchouc, il utilise de nombreux composants mécaniques pour concevoir et fabriquer différents instruments, machines ou objets.
Tout comme le technicien en design industriel, il se sert du dessin assisté par ordinateur, il choisit les matériaux, il conçoit des moules, des plans d’assemblage et il fabrique des prototypes. Mais alors que le premier s’attarde davantage aux aspects esthétique et ergonomique du produit, le technologue en génie va se pencher sur les pièces de l’objet qui ont une fonction technique – souvent les petites pièces cachées – ce qu’on appelle la mécanique.
Ce métier permet de jongler avec le tout petit comme avec le très grand, car le technologue peut autant fabriquer des cœurs et des jambes artificiels que concevoir des plates-formes de forage et des pièces d’Airbus à deux étages. Ou même se retrouver technicien aux pneus sur l’équipe de Formule 1 de Ferrari !
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Depuis quatre ans, Marie-Josée travaille à titre de conceptrice-dessinatrice au sein de l’équipe de Julien Inc., une entreprise de renommée internationale basée à Québec. Cette compagnie se spécialise dans l’intégration de matériaux nobles, comme le bois, le marbre et le granit, à des pièces d’acier.
Marie-Josée est à la division commerciale, où l’on fabrique, entre autres, des cuisines haut de gamme pour les restaurants. Les frigos, elle connaît !
Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Sur la conception et la fabrication d’une cuisine pour un nouveau restaurant de New York, dont l’un des co-propriétaires n’est nul autre que l’acteur Robert De Niro ! Nous devons fabriquer tous les équipements qui serviront aux cuisiniers dans leur travail, comme les réfrigérateurs, les congélateurs, les plans (tables) de travail, les bacs à légumes, etc.
À quelle phase du projet en êtes-vous ?
Mes dessins de présentation, qui constituent les premières ébauches, ont été envoyés aux clients il y a quelques jours. Ces derniers y trouveront tous les renseignements techniques entourant la fabrication de ces éléments : l’épaisseur des feuilles d’acier pour les comptoirs, la dimension des frigos, le nombre de tablettes sur les chariots, etc.
Je regarderai ensuite les changements demandés par les clients et j’évaluerai ce qui est réalisable. Une fois que tout sera approuvé, je commencerai à modéliser les pièces sur ordinateur, c’est-à-dire à faire les dessins techniques, qui seront envoyés à notre usine et qui guideront mes collègues dans la fabrication.
Combien de temps aurez-vous pour réaliser vos dessins ?
Trop peu de temps ! C’est d’ailleurs ce qui me plaît le moins dans mon travail, les courts échéanciers ! J’aurai environ deux semaines pour modéliser toutes les pièces de cette cuisine. L’usine devra ensuite les fabriquer en un mois, ce qui est tout un défi ! Ce qui nous aide, c’est que chez Julien Inc., tout est fait sur place, ce qui évite bien des contretemps.
Quelles sont les qualités requises pour faire ce métier ?
Un intérêt marqué pour les technologies, beaucoup d’imagination, une grande capacité d’analyse, le sens de l’observation, une bonne vision en 3D, de la minutie, de la précision, un bon esprit d’équipe, un grand sens de l’organisation et savoir respecter des normes.
Qu’est-ce qui vous a donné le goût de devenir technologue en génie mécanique ?
Mon intérêt pour la mécanique, le design et l’art.
Est-ce difficile, pour une fille, de tracer son chemin dans ce domaine ?
Non, pas du tout. Mais il n’y en a pas beaucoup ! En neuf ans de carrière, je n’ai travaillé qu’une fois avec une autre fille technologue. Chez Julien Inc., je suis la seule fille dans une équipe de 15 technologues en génie…
Je trouve d’ailleurs dommage qu’en 2007, il y ait encore des gens qui pensent qu’une fille peut difficilement être compétente lorsqu’il s’agit de mécanique ou de fabrication… Pourtant, certaines d’entre elles prennent autant de plaisir qu’un garçon à choisir des vis ou à construire des machines !
Qu’est-ce que les filles peuvent apporter à cette discipline, selon vous ?
Les filles ne travaillent pas de la même manière. Elles sont souvent plus minutieuses et organisées. Elles conçoivent mieux les petits détails, ce qui est parfois une qualité, parfois un défaut ! Alors que les gars voient plus facilement les grandes lignes d’un projet, ce qui a aussi ses avantages et ses inconvénients ! Disons qu’en duo, ils forment une équipe du tonnerre car ils se complètent très bien.
Lorsqu’elle arrive au bureau, à 8 h, Marie-Josée planifie ses tâches de la journée. Aujourd’hui, elle doit se garder du temps pour faire de la formation auprès d’un nouveau technologue, plus tard en matinée.
Mais d’abord, elle prend le temps d’aller voir chacun des collègues qui travaillent sur ses projets, afin de constater leurs progrès. Comme Marie-Josée est chez Julien Inc. depuis quelques années, elle fait de la supervision de projets, une tâche qu’elle aime bien.
Une fois les projets passés en revue, elle va rejoindre le nouveau venu pour lui montrer comment fabriquer un frigo, selon les normes en vigueur dans l’industrie. Ces normes spécifient des standards pré-établis, comme les dimensions, qui doivent absolument être respectés. Elle passera environ une heure avec lui.
Elle revient à son poste de travail, où elle continue à mûrir le projet de la cuisine de ce restaurant de New York. Même si les dessins préliminaires ne lui ont pas encore été retournés, elle est en mesure de prendre de l’avance sur la conception de l’intérieur des 14 réfrigérateurs qui la composeront. Ce matin, elle essaie de trouver le meilleur emplacement pour les tablettes et les différents compartiments.
Après le lunch, Marie-Josée poursuit la modélisation 3D de l’extérieur de ses frigos, une étape qui s’avère très longue. Même si l’équipe de Robert de Niro demande des changements, l’expérience que Marie-Josée a acquise au fil des années lui permet d’anticiper certains problèmes et elle peut ainsi s’avancer un peu sur cette partie du projet.
En milieu d’après-midi, elle part faire sa visite quotidienne en usine pour y rencontrer un des monteurs qui travaillent sur l’assemblage d’un comptoir. Marie-Josée s’assure que tout est sous contrôle, que son collègue n’a pas de questions, qu’il comprend bien les plans qu’elle lui a fournis pour l’assemblage et que le produit sera monté convenablement afin que le résultat soit fidèle au dessin de départ.
À 16 h, elle se rend à une réunion d’équipe, elle aussi quotidienne. C’est l’occasion de coordonner les projets avec les autres départements, dont l’usine, et de se transférer mutuellement les dernières données sur les dossiers en cours. C’est ce qui marque la fin de cette journée de travail !
Marie-Josée est diplômée du Cégep Limoilou, à Québec. Elle a complété son DEC en Technique de génie mécanique en 1998.
Marie-Josée Ouellet exerce son métier depuis bientôt neuf ans. Au fil de sa carrière, elle a entre autres travaillé sur la fabrication de structure de wagons de train haute-vitesse chez Bombardier, et sur la conception d’appareils d’inspection par ultrasons pour les matériaux. Cette petite machine, qui fonctionne sur le même principe que les appareils pour faire les échographies chez les femmes enceintes, est utilisée pour détecter les fissures dans les ailes d’un avion, par exemple.
Au cégep :
DEC en Technique de génie mécanique (3 ans)
Ce programme est offert dans 17 établissements, dans la majorité des régions du Québec (préalables requis : mathématique 526 ou 536 et physique 534). En cours de route, tu auras à te spécialiser soit en conception-dessin, comme Marie-Josée Ouellet, soit en fabrication.
Cela n’est pas le seul chemin possible pour exercer la profession. Les diplômés en dessin industriel ou en technique de design industriel peuvent aussi occuper ce poste.
Et après ?
Le génie peut t’amener à travailler dans plusieurs domaines, à concevoir et à fabriquer des objets allant des pièces pour la cuisine, comme Marie-Josée, aux pièces d’avion et de guichets automatiques.
On retrouve les technologues dans des bureaux d’ingénieurs, des usines de fabrication comme chez Julien Inc., dans diverses entreprises où la fabrication mécanique est une activité de soutien à la production, comme l’industrie automobile, l’aéronautique ou le textile, et même dans des centrales thermiques.