Même si tu te considères brillant, la nature l’est plus que toi : des nuages de lucioles qui clignotent dans la nuit au phytoplancton qui peut faire briller les vagues sur une plage, il existe des êtres vivants qui peuvent produire leur propre lumière. Par quelle chimie cela se produit-il ? Pourquoi ces petits êtres dépensent-ils autant d’énergie pour briller ? Et surtout, pourrait-on les imiter dans nos technologies ?
On appelle bioluminescence cette faculté qu’ont certains êtres vivants de produire leur propre lumière. Ce phénomène est une sous-catégorie de la chimioluminescence, c’est-à-dire la production de lumière par réaction chimique. En effet, ces êtres lumineux fabriquent une protéine, la luciférase, qui réagit avec l’oxygène, avec une molécule d’ATP qui stocke de l’énergie et avec une molécule spéciale, la luciférine, pour produire de la lumière. Et les différentes couleurs observées proviennent de différents changements mineurs sur la luciférase ou de différents types de luciférine. C’est ainsi que tu peux trouver en nature de la lumière rouge, orange, jaune, verte, bleue : un véritable arc-en-ciel !
Les lucioles, le phytoplancton, les poissons des abysses… Au cours de l’évolution, la faculté de bioluminescence est apparue au moins à une dizaine de reprises. Cela veut dire qu’il y a sûrement des avantages évolutifs à adopter ce genre de stratégie :
- Attirer le sexe opposé, comme c’est le cas pour la luciole,
- Attirer des proies, comme le fait la baudroie, poisson des abysses reconnaissable à sa petite lanterne bleue accrochée sur la tête,
- Avertir les prédateurs qu’on n’est pas bon au goût, comme le font certains diplopodes (mille-pattes) ou méduses,
- Rendre vulnérable ses prédateurs, comme pour le phytoplancton. Les poissons qui sont un peu transparents et qui mangent trop de phytoplancton se mettent à briller d’un bleu caractéristique qui attire les autres prédateurs plus gros.
- Communiquer avec ses semblables, comme pour les pyrosomes, de petits organismes de type plancton qui vivent en colonies et qui se coordonnent par la lumière,
- Se camoufler de ses proies par contre-illumination. Contre-intuitivement, si certains calmars s’illuminent le ventre d’une couleur bleu marine, c’est pour se fondre dans la lumière du décor et ne pas se faire repérer par ses proies en dessous, qui verraient autrement leur ombre.
Il y a encore bien d’autres utilisations de la bioluminescence plus spécifiques à chaque espèce, et il existe aussi certains cas où on ne sait même pas pourquoi on observe le phénomène. Un cas intéressant est celui de l’Aequorea victoria, une méduse sur la côte ouest de l’Amérique du nord. On ne sait toujours pas pourquoi elle émet du bleu, mais en plus elle est fluorescente, et absorbe son propre bleu pour réémettre du vert. Inutile de dire que le but de la fluorescence ici est tout aussi incompris. Or, les molécules qui permettent ce jeu de lumière sont aujourd’hui très utilisés en laboratoire comme marqueurs lumineux, révélant ainsi sous microscope la structure de plusieurs organismes cellulaires. Ces marqueurs sont si importants qu’ils sont à l’origine du prix Nobel de Chimie de 2008, preuve incontestable que leurs découvreurs sont effectivement brillants, eux !