Gorilles, orangs-outans, chimpanzés, lémuriens. Tu as surement eu l’occasion d’en observer dans des documentaires, dans des parcs animaliers ou, si tu es chanceux, dans la nature ! Des professionnels consacrent leur carrière à étudier ces curieux animaux sous toutes les coutures, ce sont les primatologues. Généralement, ces spécialistes se concentrent sur une espèce en particulier et les sujets d’étude peuvent être extrêmement variés : évolution, biologie, habitudes alimentaires, santé, rapports sociaux, sexualité, mode de vie. Ces spécialistes sont amenés à se déplacer sur le terrain ou à travailler dans un laboratoire de primatologie. L’une de leurs multiples missions consiste à partager leurs découvertes avec les autres scientifiques, mais aussi avec le grand public.
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Bernard Chapais a fait de sa passion son métier : étudier les primates pour comprendre les origines biologiques lointaines du comportement humain. Pendant 25 ans, le primatologue a exploré le comportement des singes au laboratoire de primatologie comportementale de l’Université de Montréal et depuis 2004, il se consacre à la recherche théorique. Il est aussi professeur d’anthropologie et de primatologie à l’Université de Montréal.
D’où te vient cette passion pour les primates ?
De mon intérêt pour l’évolution humaine ! Au cours de mes études d’anthropologie, j’ai découvert que la primatologie pouvait contribuer à l’étude des origines des comportements humains. J’ai immédiatement eu la piqure !
Quelles espèces de primates étudiais-tu en particulier ?
J’ai commencé par étudier les macaques rhésus pendant mon doctorat. Puis, pendant 23 ans, je me suis intéressé aux macaques japonais, qui est une espèce adaptée à l’hiver, puis aux macaques à longue queue.
Développais-tu des liens avec les singes de l’animalerie ?
J’ai tout fait pour éviter ce genre de situation. Les animaux doivent se comporter le plus naturellement possible. Évidemment, je me suis grandement attaché à eux, je connaissais par cœur leur personnalité !
En quoi consistent tes recherches aujourd’hui ?
Je tente de réconcilier deux champs d’études que sont la sociologie humaine et la primatologie pour comprendre les origines des structures sociales humaines. C’est un travail à temps plein ! Les livres et mon cerveau sont mes seuls outils de travail.
Existe-t-il des applications concrètes à ton travail ?
Mes recherches sont plutôt fondamentales, sans application directe. J’ai cependant été consultant pour le Conseil canadien de protection des animaux à Ottawa. Mon expérience m’a permis d’évaluer les conditions requises pour que les primates aient des comportements les plus normaux possible en milieu captif. C’est très utile pour des chercheurs qui n’ont pas de connaissances particulières en comportement animal.
Qu’apprécies-tu le plus dans ton métier ?
Ma profession me permet de travailler sur un sujet qui me tient à cœur : les origines biologiques lointaines du comportement humain.
Ce que tu aimes le moins ?
Les soucis qui viennent avec la responsabilité de s’assurer du bien-être d’animaux en captivité 24 heures sur 24, 365 jours par an dans un climat nordique où une panne d’électricité en plein hiver peut avoir des conséquences graves. Au bout de 25 ans, c’est devenu assez lourd. Il fallait aussi partir à la chasse aux subventions de recherche pour faire fonctionner le laboratoire, nourrir les animaux, les soigner… C’était une grosse pression sur les épaules.
Quel est le projet dont tu es le plus fier ?
Ce programme d’étude qui a duré 23 ans. Ce fut une innovation concrète dans le domaine, un type de méthodologie extrêmement révélateur. Ces recherches ont donné lieu à beaucoup de publications très originales. J’ai aussi écrit un livre « Liens de sang : aux origines biologiques de la société humaine » dont je suis assez satisfait.
Une anecdote marquante dans ta carrière ?
Un jour, je devais réparer un portillon permettant aux singes de passer d’une pièce à l’autre. Je n’avais pas vu qu’il y avait un bébé derrière et la mère a pensé que je voulais attraper son enfant. Elle a sauté sur mon dos, m’a arraché mes lunettes, tiré les cheveux. Je l’ai lancé à terre et je suis vite sorti. J’ai eu très peur et par la suite je ne suis plus jamais rentré dans une pièce lorsque les singes étaient là !
Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir primatologue ?
Les mêmes que pour tout chercheur ! Une grande curiosité, une extrême motivation, une passion pour son sujet d’étude. Il faut aussi être organisé, travailleur et créatif. On ne peut pas être chercheur si l’on ne se pose pas des questions fondamentales sur ce qui nous entoure.
Pendant 25 ans, le laboratoire de primatologie comportementale de l’Université de Montréal était un peu comme la deuxième maison de Bernard Chapais. Revenons quelques années en arrière.
Huit heures du matin, le primatologue franchit les portes de l’animalerie et rencontre ses deux assistants de recherche pour planifier les expériences de la journée. En ce moment, l’équipe travaille sur l’effet de la présence ou l’absence d’un allié sur les rapports de dominance au sein d’un groupe. Pour cela, Bernard doit constituer des sous-groupes d’individus. Pas question de capturer les primates avec un filet, ils seraient bien trop stressés. Le chercheur a mis en place un système ingénieux. Il s’agit d’un réseau de sept pièces munies de nombreuses portes « guillotines » actionnées à distance, dans lesquelles les singes peuvent se déplacer librement. En l’espace de quelques minutes, Bernard a isolé une mère et ses trois filles dans une pièce.
La première partie de l’expérience consiste à observer le comportement de ces quatre individus pour comprendre les relations qui régissent le groupe. Pour cela, il faut se plier à des règles d’observation bien précises et connaitre le répertoire comportemental de chacun. Dans ce groupe, pas de doute, la plus jeune des filles fait régner la loi. Dans le jargon scientifique, on dit qu’elle est dominante par rapport à ses soeurs. Mais la suite de l’expérience montrera que si la mère est retirée de la pièce, la plus jeune perd ce statut avantageux. Les scientifiques en déduisent que la mère semble avoir un rôle important dans le maintien des relations de dominance chez cette espèce.
Généralement, l’anthropologue laisse l’expérience entre les mains de ses collègues et rejoint en milieu de matinée son bureau à l’Université de Montréal où d’autres tâches l’attendent : enseignement, rédaction d’articles ou de demandes de subvention… Bernard supervise également quatre doctorants et sept étudiants à la maitrise. Il participe ponctuellement à des entrevues à la radio, visite des Cégeps, tient des conférences publiques et écrit des livres pour le grand public.
Bernard Chapais a commencé son parcours professionnel par un DEC en sciences sociales au Cégep de Saint-Laurent. Il a ensuite suivi un baccalauréat avec une mineure en biologie et une majeure en anthropologie puis une maitrise en anthropologie à l’Université de Montréal. Pendant sa maitrise, il a travaillé sur les babouins au parc Safari d’Hemmingford. Le chercheur s’est ensuite envolé à Cambridge en Angleterre où il a réalisé son doctorat en biologie sur les rapports sociaux des macaques rhésus qu’il a étudiés sur une petite ile au large de Porto Rico pendant une année. Enfin, Bernard Chapais a effectué un post doctorat en biologie à McGill toujours avec les primates comme objets d’études.
Au Cégep :
– DEC sciences de la nature ou toute autre discipline connexe
À l’Université :
– Baccalauréat en anthropologie ou en biologie (seule le département d’anthropologie de l’Université de Montréal comporte la sous-discipline anthropologie biologique requise) ou toute autre discipline jugée pertinente
– Maitrise en anthropologie biologique (primatologie) ou toute autre discipline jugée pertinente
Avec une maitrise en primatologie, le professionnel peut travailler en tant qu’assistant de recherche ou enseigner au Cégep.
Pour travailler à l’Université ou comme chercheur pour des organismes qui œuvrent sur le terrain, il faut poursuivre en doctorat et en post-doctorat.
Et après ?
Le chercheur en primatologie peut travailler dans des universités, des instituts scientifiques, des musées ou encore pour des organismes de défense des animaux.