« Ici, tu vois, il va y avoir un parc sur le toit du stationnement. » Les yeux rivés à la fenêtre d’un corridor achalandé de l’École de technologie supérieure, Patrice Catoir se permet de rêver. Dehors, un trou dans la terre et quelques pieux. Mais le doigt du directeur à la planification et au développement du campus dessine déjà le projet dans ses moindres détails. Massif électrique par-ci, stationnement intérieur par-là, rien n’y échappe. Au fil de la discussion, la structure métallique d’en face prend les airs d’un « bâtiment signature » qui rendra l’École plus conviviale pour ses étudiants, dès 2015.
La Maison des étudiants, en partie financée par quelques commerces qu’elle abritera, sera dédiée aux services offerts aux étudiants, mais sera également ouverte aux citoyens. Dans la cour arrière, on prévoit un parc avec espace interactif. La programmation reste à définir, mais Patrice Catoir évoque d’éventuelles expositions temporaires. « L’ÉTS arrive présentement à maturité dans son développement de campus, souligne-t-il. On peut maintenant se permettre de mettre de l’avant des projets qui vont combler les lacunes héritées de notre croissance fulgurante. »
Histoire de déménagement
La route pour en arriver à ce point fut longue. À son inauguration en 1974, l’École loge au coin des rues Sainte-Catherine et Hôtel-de-Ville. Une décennie plus tard, l’établissement est éparpillé entre plusieurs bâtiments. On prend la décision de déménager avenue Henri-Julien, dans une ancienne polyvalente.
En 1989, l’ÉTS obtient l’aval du Bureau canadien d’agrément des programmes de génie (BCAPG) pour former des ingénieurs et non seulement des technologues. Les inscriptions croissent de manière soutenue, si bien qu’en 1997, l’École fait ses boîtes et change à nouveau d’adresse, pour de bon cette fois. Elle reprend les anciens locaux de la brasserie Dow, rue Notre-Dame.
En se promenant avec Patrice Catoir dans les corridors de l’ÉTS, on ressent facilement cet héritage brassicole. Ancien responsable de la gestion de capital chez Molson Coors, le directeur se plaît à rappeler la fonction d’origine des bâtiments de l’ÉTS. « Ce pavillon, c’est là où on faisait le packaging pour la bière, explique-t-il. De l’autre côté de la rue, où se trouve le pavillon B, c’était le terminal ferroviaire de Dow. »
Depuis que l’École s’est installée dans l’ancienne brasserie, elle s’y est développée par vagues : résidences d’étudiants, pavillon B, agrandissements divers. En tout, 300 millions de dollars d’actifs investis sur 120 000 m2. Mais ce développement « en courtepointe » a pour corollaire un campus où les bâtiments ne forment pas un ensemble organique. C’est un défaut auquel on veut remédier avec la Maison des étudiants, son parc et ses sentiers et la piétonnisation de la rue Murray qui la sépare du pavillon A.
Le Quartier de l’innovation (QI)
L’arrivée de l’ÉTS dans l’ancienne brasserie a contribué à la revitalisation d’un quartier devenu un no man’s land. « Il n’y avait presque plus d’activité dans le secteur », se souvient Patrice Catoir qui y habitait déjà à l’époque. Mais la bouillonnante université a refusé d’attendre que les choses prennent leur temps.
En collaboration avec McGill, elle a lancé en 2013 le Quartier de l’innovation (QI) qui regroupe une vingtaine de projets pour améliorer la vie urbaine, la formation et la recherche, les industries ainsi que la vie sociale et culturelle, dans le quadrilatère formé par la rue Guy, le canal Lachine, l’autoroute Bonaventure et la rue Saint-Antoine. « Préoccupée par le développement du quartier, l’ÉTS s’est interrogée sur son devenir, commente Isabelle Péan, directrice de projets pour le QI à l’Université McGill. Elle nous a approchés pour qu’on se mette ensemble pour améliorer la qualité de vie dans le secteur. Un des buts du QI est de faire en sorte que nos deux universités mettent leurs connaissances au service de la communauté. »
Les initiatives mises de l’avant sont variées. On parle d’efforts pour protéger le patrimoine d’une église, de projets d’agriculture urbaine, de l’organisation d’un quatrième sommet sur l’innovation regroupant cette année des acteurs des industries créatives et de la santé, et même d’une formation appliquée en aérospatiale. Les dossiers sont tantôt pilotés par McGill, tantôt par l’ÉTS. Parfois encore, les deux universités s’impliquent conjointement dans un projet.
Quant à la récente reprise du Planétarium Dow par l’ÉTS, Patrice Catoir explique: « Ce qu’on veut faire est de créer, à l’intérieur du bâtiment, une zone ouverte qu’on pourrait modeler en fonction des besoins. Dans le dôme qui servait à la projection, on veut aménager un étage supplémentaire, avec des locaux qu’on utiliserait comme hub de créativité et comme espace de recherche. » L’université s’est en outre engagée à transformer le stationnement en parc et à injecter dans le projet cinq millions de dollars sur trois ans.
Engagement étudiant
C’est justement ce dossier qui a convaincu Samuel Rispal, un étudiant en deuxième année de maîtrise en génie électrique, de fonder un club – le DécliQ – pour engager ses pairs dans le QI. « Le projet de hub de créativité m’a parlé », explique-t-il simplement.
Apprenant qu’il faudra attendre 2016 pour que les rénovations de l’ancien planétarium soient terminées, l’étudiant prend contact avec Francine Verrier, directrice des relations avec la collectivité. Celle-ci est alors sur le point de monter l’École d’innovation citoyenne dans le but d’amener les universitaires à s’engager dans leur communauté. Avec d’autres partenaires, ils mettent en route un projet de micro-bibliothèque dans un parc, un autre de toit vert avec panneaux solaires pour un organisme luttant contre le décrochage scolaire, un projet de sentier guidant des touristes à travers plusieurs lieux historiques dans la Petite-Bourgogne, etc. En tout, huit dossiers sont à diverses étapes de leur conception. « Les étudiants m’ont bien fait comprendre qu’ils veulent avoir un impact », dit Francine Verrier.
« C’est quelque chose qui m’a manqué dans ma formation d’ingénieur, affirme Samuel Rispal. On passe des heures à travailler sur des projets académiques, sans effets sur le monde réel. Pourquoi ne pas mettre ces énergies au profit de la société, dans des projets avec des organismes communautaires ou des entreprises? »
Lorsqu’on lui parle du QI, Isabelle Péan semble encore étonnée que le projet ait même pu voir le jour. « L’ÉTS est une université dynamique, engagée dans sa communauté et ouverte aux partenariats, résume-t-elle. Les chercheurs de diverses universités ont beau collaborer quotidiennement, c’est rare que les administrations fassent de même. D’accepter de coopérer avec une université anglophone en plus? Chapeau! »
Des bâtiments performants
• L’ETS connaît depuis plusieurs années une croissance immobilière d’environ
25 millions de dollars par an.
• La consommation énergétique de ses pavillons est jusqu’ici exemplaire :
0,51 GJ/m2, contre une moyenne canadienne qui se situe à 2,59 GJ/m2.