Les forêts du Québec ne sont pas seulement des écosystèmes biologiques. Elles sont aussi des moteurs économiques : exploitation du bois, chasse, pêche, randonnée, tourisme, etc. Et qui dit activité économique dit aussi gestion.
L’ingénieur forestier est, en quelque sorte, un gestionnaire de la forêt. Il gère les projets d’aménagement et d’exploitation de cet immense territoire en collaboration avec les « usagers » de la forêt. Muni de technologies de pointe comme l’imagerie numérique par avion ou les systèmes de positionnement GPS, ce spécialiste empêche la pollution d’un site suite à la construction d’une usine, décide des plantations pour le reboisement après la construction d’une nouvelle route, planifie les zones de coupe et les zones à épargner…
Responsable des opérations forestières, il s’assure donc d’une gestion saine et efficace de la forêt afin de préserver ce patrimoine naturel de façon durable pour les générations futures.
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Denis Cormier est ingénieur forestier depuis 27 ans pour FPInnovations à Pointe-Claire, près de Montréal. C’est une institution spécialisée dans la recherche pour améliorer l’industrie forestière qui compte des bureaux partout au pays. Il teste différentes innovations pour rendre l’exploitation forestière plus rentable, plus rapide, moins polluante, etc. En ce moment par exemple, il mène des recherches sur l’utilisation de drones en milieu forestier.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’apprendre le métier d’ingénieur forestier ?
Plus jeune, j’étais très intéressé par les sciences physiques. D’un autre côté, le plein air m’attirait énormément. Je ne me voyais pas faire un métier dans lequel je serais assis dans un bureau, pris entre quatre murs. J’ai par hasard entendu parler de l’emploi d’ingénieur forestier. J’ai tout de suite été intéressé par la composante environnementale du secteur forestier et plus particulièrement par le côté opérationnel de la foresterie plutôt que biologique.
Pourquoi cet intérêt pour les drones ? Aimiez-vous jouer à des jeux téléguidés lorsque vous étiez petit ?
Les voitures ou hélicoptères téléguidés n’existaient malheureusement pas. J’ai davantage manié les trains électriques, j’avais un grand intérêt pour tout ce qui concernait l’automatisation et la robotisation.
En foresterie, on utilise l’imagerie satellitaire ou aérienne pour planifier les opérations sur de grandes étendues. Réaliser l’inventaire d’un terrain est souvent relativement long et coûteux.
L’utilisation de drones pourrait permettre de travailler à une échelle plus rapprochée que les moyens classiques et surtout à des coûts moins élevés. Il est aussi possible de travailler en tandem, c’est-à-dire de coupler les informations au sol et aériennes pour obtenir une information de meilleure qualité.
Est-il difficile de proposer une nouvelle idée comme celle-ci dans le milieu de l’industrie forestière ?
Le projet des drones me tient beaucoup à cœur. La télédétection (technique d’acquisition à distance d’informations sur la surface terrestre) n’était pas une thématique de recherche typique chez FPInnovation. Au cours des dernières années, il m’a fallu beaucoup de temps pour convaincre les clients, les gestionnaires et les présidents qu’il s’agissait d’un axe de recherche qui valait la peine d’être exploité. FPInnovation a finalement acquis un drone malgré un prix d’utilisation élevé. La demande des industriels pour faire des tests dans leurs milieux dépasse ce qu’on peut livrer. C’est un véritable succès !
Que préférez-vous dans votre métier ?
Même après 27 ans de carrière, je continue à m’émerveiller de la nature qui nous entoure. Je travaille dans un institut canadien, je dois couvrir le pays au complet, ce qui rend mon métier encore plus intéressant.
Et qu’aimez-vous le moins ?
Avec le temps, je deviens davantage un gestionnaire. Les processus administratifs sont parfois lourds et je me trouve vite enseveli sous une montagne de paperasse. Mon temps de travail passé en plein air est moins important que lorsque j’ai débuté dans le métier.
Quelles sont les qualités requises pour exercer votre métier ?
Il faut aimer voyager ! À cause de l’étendue du territoire forestier, on ne peut pas se contenter de 5 kilomètres de route entre son domicile et son lieu de travail. Il faut parfois vivre dans des camps forestiers pendant quelques jours. Pour les personnes qui ont besoin d’un contact familial régulier cela peut-être difficile.
Une aventure inoubliable de votre carrière ?
En pleine forêt, je me dirigeais seul vers un site où je devais travailler toute la journée. Je n’avais aucun moyen de communication et l’habitation la plus proche était à 150 kilomètres. Il s’est mis à pleuvoir abondamment et le chemin, non entretenu, s’est vite dégradé. Je me suis enlisé, mais j’ai réussi à m’en sortir grâce au cric de la voiture et en déplaçant des roches pour pouvoir traverser certaines zones inondées. Avec le recul, je me rends compte que j’ai mis ma vie en danger !
Denis partage son temps entre son bureau de Pointe-Claire et la forêt.
Une journée de bureau commence autour de 6 h 30 : répondre aux premiers courriels de la matinée, s’assurer de l’agenda du jour et se préparer pour chacune des réunions prévues. Vers les 7 heures, la majorité du personnel arrive. Au fil de rencontres, Denis s’assure que son équipe va s’acquitter des différentes tâches prévues. Si des ingénieurs s’aventurent sur le terrain, il se renseigne sur les endroits où ils vont et contrôle la sécurité des opérations. Il consacre ses dernières heures à planifier la sortie du lendemain et à communiquer avec les équipes de FPInnovation de Vancouver. Vers 18 h, le chercheur rentre chez lui.
S’il faut parfois se rendre à l’autre bout du pays, les tests de ce matin ont lieu en Ontario, à moins de deux heures de route de Montréal. Il a quand même fallu se lever tôt : si Denis veut discuter avec les entrepreneurs avant qu’ils commencent leur journée, il doit être au rendez-vous entre 5 h 30 et 6 h. Avec son équipe, il sort le drone de son coffret et l’assemble. Il vérifie le plan de vol et le programme du pilote automatique. Et c’est un départ ! L’engin s’envole et commence à parcourir le trajet qu’on lui a programmé. Sur l’écran au sol, Denis et ses acolytes observent en direct les images de la forêt envoyées par la caméra que le drone transporte. Lorsqu’un détail les interpelle, ils interrompent le plan de vol, reviennent sur leurs pas, zooment sur le détail, puis reprennent la mission. Ainsi la journée se déroule-t-elle à mesure que les tests de vol avancent. Les essais sont concluants et l’équipe remballe le matériel après avoir réussi un premier inventaire aérien sans pilote. Prochaine mission : l’observation des points chauds suite à un feu de forêt en Alberta !
Après son baccalauréat, Denis Cormier a réalisé une maîtrise en sciences forestières, spécialité aménagement forestier et sylviculture à l’Université Laval en collaboration avec FPInnovation.
Au cégep :
DEC en sciences de la nature (2 ans)
(Il faut avoir réussi certains cours de mathématiques, physique, chimie et biologie)
À l’université :
L’Université Laval est la seule au Québec à offrir le baccalauréat en génie forestier (4 ans). Il existe deux champs dans lesquels l’ingénieur forestier peut se spécialiser durant sa formation : les opérations forestières et l’aménagement et l’environnement forestiers.
Et après ?
L’ingénieur forestier peut travailler à son compte, dans une firme de consultants ou pour un entrepreneur forestier. Il peut aussi travailler pour les gouvernements fédéral ou provincial, pour une municipalité, dans des centres de recherche, dans une pépinière, etc.