Les gènes sont de plus en plus mis en cause dans le développement des maladies. Ces nouvelles connaissances pourraient changer radicalement les pratiques médicales.
05/10/2012
Brent Richards
Génétique, assistant professeur à l’Université McGill et chercheur à l’Institut Lady Davis
ism/spl
Chacun ses os
En prenant en compte le génome de leurs patients, les médecins pourraient leur prescrire des traitements préventifs et ciblés contre l’ostéoporose ou le diabète.
Par Ariane Aubin
Comment expliquer alors que nos os, qui sont composés en majeure partie de calcium – comme la craie –, puissent supporter le poids du corps et résister aux sauts, aux chutes et à différents impacts? Grâce à leur architecture unique et hautement organisée, répond le docteur Brent Richards, assistant professeur à l’Université McGill et chercheur à l’Institut Lady Davis. Une structure à la fois légère et robuste: spongieuse au centre, dense à l’extérieur. Tout cela se modifie toutefois avec l’âge. Maximale vers la fin de la vingtaine, la masse osseuse perd progressivement de sa qualité et de sa densité à mesure qu’un déséquilibre s’installe entre les cellules responsables de la création du tissu osseux et celles responsables de sa résorption (la destruction naturelle et normale de l’os).
Ce phénomène est particulièrement marqué chez les femmes ménopausées, dont la production d’estrogènes se modifie brutalement, affectant le métabolisme de l’os. Chez 30 % à 50 % d’entre elles et une proportion non négligeable d’hommes, ces changements osseux mènent à l’ostéoporose, une maladie liée au vieillissement à laquelle l’équipe du docteur Richards s’intéresse particulièrement.
«L’ostéoporose augmente entre autres le risque de subir une fracture de la hanche, qui est associée à un taux de mortalité de près de 50 % dans l’année qui suit la blessure», souligne l’endocrinologue. Un lourd fardeau pour une société vieillissante. Heureusement, des médicaments – les bisphosphonates – ont déjà montré leur efficacité pour réduire la perte osseuse associée au vieillissement, quand ils sont pris avec des suppléments de calcium et de vitamine D. Mais cela ne suffit pas pour Brent Richards. Dans un avenir pas si lointain, espère-t-il, le traitement pourrait être adapté au profil génétique des patients et être administré avant même que l’ostéoporose se développe.
C’est que la génétique influence la façon dont nos os vieillissent. L’équipe du docteur Richards a ainsi collaboré avec des groupes de recherche internationaux pour passer au peigne fin des milliers d’échantillons d’ADN provenant de donneurs atteints d’ostéoporose et de donneurs sains. Cette technique, l’«étude d’association pangénomique», a d’ailleurs déjà porté fruit: 50 nouveaux gènes impliqués dans l’ostéoporose ont ainsi pu être identifiés, de même que 6 gènes dont on soupçonnait déjà le rôle dans la maladie. Des résultats concluants, qui ont valu à leurs auteurs une publication en avril dernier dans la prestigieuse revue Nature Genetics.
La suite? Tout d’abord, valider ces trouvailles chez la souris en bloquant, par exemple, l’action d’un gène précis et en observant si le rongeur devient alors plus susceptible aux fractures. Si ces mesures s’avèrent concluantes, des essais pharmacologiques seront ensuite entrepris pour amener ces découvertes jusque dans le cabinet du médecin. Mais, pour Brent Richards, le combat ne s’arrêtera pas là. Il s’intéresse déjà à d’autres aspects du vieillissement pathologique, en particulier l’ennemi public numéro un: le diabète et ses complications. De quoi l’occuper au moins jusqu’à la retraite!