Le 22 avril 1915, un étrange nuage verdâtre surgit dans le ciel au nord d’Ypres, une petite ville de Belgique en pays flamand. Des cylindres, installés par les artilleurs de l’armée allemande, viennent de libérer plus de 170 tonnes de dichlore (du chlore à l’état gazeux), une substance toxique mortelle. Il est 17 h; la chimie vient d’entrer en guerre.
Les soldats français – des troupes coloniales de la Martinique et d’Algérie –, premiers visés, sont désemparés. Ils toussent, suffoquent, vomissent et fuient afin de pouvoir respirer. L’attaque ouvre une brèche de 6 km. Énorme. Même les Allemands sont surpris de leur succès: «Ils n’y étaient pas assez préparés. Ils n’ont pas vraiment pu profiter de la percée qu’ils venaient de réussir», note Carl Bouchard, professeur d’histoire à l’Université de Montréal et spécialiste de la guerre 1914-1918.
Ce sont des bataillons canadiens, le 48e Highlanders et le Royal Winnipeg Rifles, campés dans des positions latérales, qui interviennent pour refermer la brèche. «Ce fut le premier grand engagement des troupes canadiennes sur la ligne de front», rappelle Michel L’Italien, directeur des musées du ministère de la Défense nationale.
L’usage de l’arme chimique donne alors une allure encore plus tragique à la guerre. C’est le chimiste Fritz Haber qui a réussi à convaincre les généraux d’utiliser ce moyen qu’il estime… économique. Très écouté, il est une vedette en Allemagne. Ses travaux sur la fixation de l’azote ont ouvert la voie aux engrais chimiques agricoles et à la production d’explosifs; ils lui vaudront le prix Nobel en 1918. Comble de l’ironie, ce savant mettra aussi au point le Zyklon B, ce gaz mortel qui sera, plus tard, employé dans les camps de concentration nazis. Juif, Haber devra s’exiler vers la Suisse en 1934.
Image: Musée Canadien de la guerre
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