Ce matin, tu n’es pas dans ton assiette. Le médecin t’a diagnostiqué une otite. Antibiotiques ? Et si on t’injectait plutôt un virus pour détruire les mauvaises bactéries ? Cette drôle d’idée, c’est la phagothérapie, une technique vieille de 100 ans qui connait un regain d’intérêt ces dernières décennies.
Mais en t’injectant un virus, est-ce qu’on ne risque pas de provoquer d’autres problèmes de santé ? Non, car les virus utilisés ne s’attaquent pas aux cellules humaines (chaque virus a sa proie préférée). On utilise des bactériophages, des virus qui s’attaquent naturellement aux bactéries. À l’heure actuelle, les biologistes ont identifié 5 500 bactériophages différents, et il y en a encore beaucoup à découvrir !
Comme n’importe quel traitement, la solution de virus vivants est directement appliquée sur la zone infectée ou administrée par injection ou par voie orale. Le virus finit par atteindre sa cible en circulant dans ton sang. Une fois qu’il l’a rejointe, tout se passe comme une infection virale normale. Ton corps devient un champ de bataille !
Le virus s’arrime à la bactérie et lui injecte son matériel génétique en seulement 10 secondes ! Ce génome intrus prend alors le contrôle de la bactérie et puise dans ses réserves énergétiques pour produire des milliers de nouveaux virus. Résultat : la bactérie éclate et libère les nouveaux bactériophages qui vont pouvoir attaquer d’autres bactéries. Une fois leur travail effectué, lorsqu’il n’y a plus de bactéries, les bactériophages ne peuvent plus se multiplier et sont éliminés par notre organisme.
Les avantages de ce traitement sont nombreux. En plus d’être rapide et efficace, la phagothérapie nécessite une seule administration (contrairement aux antibiotiques) et provoque très peu d’effets secondaires, puisque les virus ne nous attaquent pas. Leur multiplication étant très rapide, le temps que notre système immunitaire soit averti, les phages ont déjà fait le ménage ! Chaque virus est spécifique à une bactérie et, malheureusement, nous ne connaissons pas encore de bactériophages pour tous les types de bactéries, sans compter que certaines développent des résistances.
La phagothérapie a une histoire plutôt tumultueuse. Mise en évidence par le bactériologiste anglais Hankin en 1896, les recherches sur les bactériophages et la phagothérapie débutent seulement 20 ans plus tard avec le chercheur franco-québécois Félix d’Hérelle. À son apogée après la Première Guerre mondiale, la technique thérapeutique tombe dans l’oubli vers 1945 avec l’arrivée des antibiotiques. Excepté en Union Soviétique, où la méthode n’a jamais cessé d’être utilisée.
Mais dans les années 1990, face aux problèmes de résistances aux antibiotiques, la phagothérapie refait surface. Bien que cette thérapie ne soit pas reconnue en Occident, cela n’empêche pas certains médecins de la pratiquer… avec d’excellents résultats. Avant que cette méthode soit inscrite dans la liste des traitements officiels, de nombreuses recherches sont en cours pour en connaitre davantage sur ces mangeurs de bactéries.