Les mathématiques peuvent être une arme puissante, lorsqu’elles sont entre de bonnes mains. Grâce à sa célèbre machine, on estime que le mathématicien britannique Alan Turing a écourté la Seconde Guerre mondiale de deux ans et permis d’épargner des dizaines de milliers de vies humaines en décryptant les messages secrets allemands.
1939, la Seconde Guerre mondiale éclate. L’Europe est envahie par les nazis. Les Allemands utilisent Énigma, une machine ultra-sophistiquée, pour coder leurs messages radio et planifier leurs attaques. Si les communications radios étaient faciles à capter par les Alliés, elles étaient incompréhensibles. Ressemblant à première vue à une machine à écrire, Énigma permettait de remplacer chaque lettre par une autre, rendant le message incohérent, à moins d’avoir une autre machine Énigma et de connaître le code. Et le code changeait chaque jour… parmi plusieurs milliards de milliards de codes possibles !
Dès le début de la guerre, Alan Turing se met au service de l’armée britannique. C’est dans la petite ville de Bletchley Park, dans la banlieue londonienne, que le scientifique, avec l’aide de nombreux spécialistes en cryptologie, travaille à la construction d’une machine capable de découvrir chaque jour le système de codage d’Énigma. Trois ans plus tard, en 1941, son travail porte enfin fruit : la machine de Turing est prête.
C’est une faille dans les communications allemandes qui a simplifié la tâche du mathématicien. Un jour, les cryptologues ont découvert que les messages commençaient toujours par une formule de politesse telle que « Herr Kommandan » (cher commandant). Cette introduction donnait une partie de la clé du code à chaque jour.
Imposante par sa taille et sa complexité, ancêtre de nos ordinateurs, la machine de Turing lisait grâce à sa tête de lecture les messages cryptés sur un ruban. Celle-ci retrouvait ensuite le code utilisé grâce aux mots déjà connus dans le message. Puis, la machine appliquait le code au reste des lettres et transmettait le message d’origine à sa sortie sur le ruban. Fin 1943, la machine décodait 84 000 messages par mois, permettant aux Alliés d’avoir toujours un coup d’avance sur les attaques ennemies et de contribuer à la fin de la guerre le 2 septembre 1945 !
Protégée par le secret militaire, l’implication de Turing fut gardée secrète pendant plus de trente ans, le privant de toute gloire. Il continua à travailler sur l’intelligence artificielle et sur les premiers ordinateurs. Affaibli par un traitement de castration chimique pour son homosexualité (sévèrement punie à l’époque), il se suicide à l’âge de 42 ans d’une façon assez théâtrale : il croque dans une pomme trempée dans le cyanure, peut être une référence au film Blanche Neige et les Sept Nains qu’il aimait particulièrement (l’entreprise Apple dément toute relation entre son logo et l’histoire de Turing).
En septembre 2009, le gouvernement britannique présente ses regrets vis-à-vis du traitement infligé à Turing. Dès lors, les hommages au génie des mathématiques ne manquent pas. Le « Royal pardon » prononcé le 24 décembre, le prix Turing, équivalent du prix Nobel en informatique, et enfin le récent film « Le jeu de l’imitation ».
Notre portrait du métier de mathématicien