On fabriquait déjà de la bière dans l’Antiquité égyptienne. Si ce liquide vieux comme le monde est facile à produire de façon artisanale, il est beaucoup plus ardu de le faire à grande échelle et de livrer toujours le même produit. Le brassage repose sur des levures qui sont des êtres vivants capricieux.
Un brasseur de bière est un artisan qui maitrise des procédés chimiques complexes, le tout sous un horaire précis qui laisse peu de place à l’erreur. Voyons voir ce que cet artiste de la bière fait et boit dans la vie de tous les jours!
- Entrevue
- Journée type
- Études et emplois
Jonathan est fondateur et co-propriétaire de la microbrasserie le Prospecteur à Val d’Or, une compagnie qui produit de la bière depuis 2014. Il se définit comme maître-brasseur, dans la mesure où il crée ses propres recettes de bière, mais aussi comme brasseur, puisqu’il exécute chaque brassin du début à la fin, avec l’aide d’une équipe. La brasserie compte 6 ou 7 brasseurs qui produisent 5 types de bière en continu (les bières régulières), ainsi que de multiples autres bières Saisonnières.
En quoi consiste ton travail de brasseur ?
C’est un métier qui est assez complexe et varié. Ça part de la gestion et la réception des ingrédients, ainsi que la planification des recettes. Ensuite vient le brassage en tant que tel : mélanger le grain avec l’eau, transférer l’eau sucrée obtenue (le moût) dans une cuve d’ébullition et le bouillir, ajouter les différents houblons et les aromates (coriandre, écorce d’orange, épices en générale), puis confier le tout à des levures pour fermentation. Un brasseur est en charge de peser et de doser les recettes, ainsi que de s’assurer du bon déroulement de chaque étape de la production de la bière.
Quel(s) outil(s) scientifique(s) utilises-tu le plus ?
J’utilise surtout un densimètre, pour mesurer la densité du moût, ou même un réfractomètre qui sert sensiblement à la même chose. J’utilise aussi un pH-mètre pour mesurer l’acidité des liquides, et évidemment un thermomètre pour mesurer la température. Enfin, j’utilise une balance pour peser le grain ou les levures par exemple. Ce sont vraiment les quatre outils de base.
Quelles qualités sont les plus importantes pour un brasseur ?
Il faut être rigoureux, avoir le souci du détail. Il faut bien prendre le temps d’exécuter précisément chaque recette, le produit sera alors meilleur. Aussi, pour être autonome, il faut avoir des notions scientifiques en chimie, en physique et en biologie, sans nécessairement devoir tout connaitre. Un bon brasseur a une compréhension et un feeling de la fermentation alcoolique, de l’impact de la pression et de la température. Mais, très important : il faut avoir une bonne endurance physique. C’est un métier d’artisanat qui reste difficile physiquement, par exemple pour le transport des ingrédients. Il faut savoir doser ses énergies et ne pas être trop pressé. Il ne faut pas aller trop vite, sinon on peut se faire mal, ou rater notre bière.
À quel point l’horaire est-il important lorsqu’on fait un brassin ?
Tout est réglé comme une horloge! Le temps de chaque étape est compté : c’est sûrement le facteur le plus important. C’est aussi important de « donner » le temps. On travaille avec du vivant, des levures et des enzymes, qui peuvent être fatiguées et ainsi rallonger la durée d’une étape. Comme on dit, ce n’est pas nous qui décidons, c’est la levure. Les recettes durent plusieurs jours, et certaines bières nécessitent des vérifications à l’heure près. Il m’est arrivé de rentrer au travail le soir pour vérifier la densité du moût, et il y a toujours un employé qui vient travailler durant la fin de semaine. Au début, j’étais tout seul pour faire tout ça, et ce n’était pas facile. Heureusement, j’ai maintenant une équipe !
As-tu des tâches qui sortent de l’ordinaire ?
Oui! On fait de la mécanique, de l’électricité et de la plomberie. On se doit d’être polyvalent, parce que quand les cuves brisent, il faut être débrouillard.
Qu’est ce qui t’as attiré vers ce domaine ?
Je trouve que c’est une science formidable ! Et elle correspond parfaitement à mon domaine d’étude. Il y a un côté épicurien, artistique, mais aussi un côté de compréhension scientifique. On peut créer, s’amuser, et surtout toucher le produit final. C’est un métier très complet qui touche à beaucoup de domaine, et qui correspond à mes valeurs.
Pour toi, c’est quoi une bonne bière ?
C’est un produit qui respecte ce que le brasseur voulait faire à la base. Je n’apprécie pas un style de bière en particulier, mais je dirais qu’une bonne bière sort des sentiers battus, par exemple en mélangeant des styles ensemble. En bout de ligne, il faut bien prévoir ce que va être le goût de la bière voulue, réussir à l’obtenir, et aussi bien la décrire pour le client. Si elle respecte l’esprit associé à cette création, alors c’est une bonne bière. Les bières dont je suis le plus fier sont celles qui demandent le plus d’ouvrage. Et, en passant, ce ne sont pas nécessairement les bières au goût complexe qui demandent plus de travail, mais souvent celles avec un goût simple, puisque les défauts paraissent plus facilement.
En tant que brasseur, les journées de travail de Jonathan sont très remplies. À l’arrivée vers 8h, il faut d’abord tenir une réunion d’équipe et planifier les nombreuses tâches à accomplir pendant la journée, puisqu’elles se chevauchent souvent, et qu’elles sont très dépendantes du temps. Ensuite, on part la machine ! Avec son équipe, il démarre le moulin à grain et l’empâtage du grain, il transfert les produits, il lave et assainit la cuve, il fait bouillir le moût, le met dans le fermenteur, il ajoute la levure, il fait aussi les suivis de fermentation, etc… Il va sans dire qu’il n’a pas beaucoup de pause, et il mange donc la plupart du temps à la va-vite. Il garde ce rythme soutenu jusqu’à la fin de l’après-midi, avant d’enfin pouvoir rentrer chez lui.
Heureusement, pour garder une certaine qualité de vie, un brasseur de sa compagnie ne travaille que 4 jours par semaine, et il peut ainsi souffler durant une fin de semaine de trois jours. Il est important d’être bien reposé !
Sur les bancs d’école…
Jonathan a brassé ses premières bières à 15 ans dans son placard et s’est vite découvert une passion. Il a fait une technique de laboratoire en biotechnologies au cégep de Levis-Lauzon et a poursuivi ses études de baccalauréat en génie biotechnologique à l’Université de Sherbrooke. Durant ces études, il a été membre de SherBroue, un club de brasseurs étudiants et a fait deux stages à la microbrasserie Siboire. Comme il aimait les études, il a fait une maîtrise en génie chimique à Sherbrooke, pendant laquelle il a étudié la fermentation d’une plante appelé le pavot de la Californie. Enfin, il a lancé sa propre microbrasserie en 2014, la seule à Val d’Or, qui connait aujourd’hui un grand succès.
Au cégep :
Précisons tout d’abord qu’il n’est pas nécessaire de se rendre en maîtrise comme Jonathan l’a fait pour pratiquer le métier de brasseur de bière. La plupart des bons brasseurs ont appris leur science et leurs connaissances sur le tas, grâce à une passion. Ainsi, une technique de laboratoire en biotechnologies suffit amplement pour exercer ce métier.
Cette technique est offerte dans de nombreux cégeps, à Sherbrooke, à Lévis-Lauzon, à Saint-Hyancinthe, à Ahuntsic, à Shawinigan et au cégep de l’Outaouais.
À l’université :
Il est ensuite possible (mais pas obligatoire) de pousser ses études à l’université en biologie moléculaire, en biochimie, ou en biotechnologies. Ces programmes sont offerts dans la majorité des universités.
Et après ?
Les microbrasseries (et les brasseries) pullulent au Québec ! Il en existe de plus en plus, et la bière de qualité québécoise est de plus en plus reconnue ! Ainsi, les perspectives d’emploi sont assez bonnes, et de nombreux stages sont disponibles pour peaufiner sa passion.