Dans leurs laboratoires, les biochimistes sont souvent les héros silencieux de la médecine. Ils ont trouvé la recette qui sert à fabriquer tous les êtres vivants : la molécule d’ADN. Ils ont aussi découvert l’acétaminophène, cette petite pilule blanche qui nous évite bien des maux de tête.
Grâce à eux, on sait maintenant que la production d’insuline est déficiente chez les diabétiques, et on peut mieux les soigner. La liste de leurs trouvailles s’allonge à l’infini !
Pas étonnant qu’on retrouve les biochimistes un peu partout. Ils développent des médicaments, s’assurent que les sportifs ne prennent pas de drogues, cherchent les causes des maladies. Tout ça, dans des laboratoires. En se servant de produits chimiques, de bactéries, et même de radioactivité, ils arrivent à manipuler des molécules si petites qu’elles ne peuvent même pas être vues au microscope !
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Christiane Ayotte est la directrice du Laboratoire de contrôle du dopage sportif de Montréal. Chaque année, elle et son équipe analysent l’urine de milliers d’athlètes en provenance de partout dans le monde pour s’assurer qu’ils pratiquent leur sport de façon légale, sans prendre de drogues.
Elle dirige aussi des étudiants à la maîtrise et au doctorat afin de mettre au point de nouvelles méthodes pour détecter les drogues.
Que ressentez-vous lorsque vous trouvez un coupable ?
Lorsqu’on détecte une drogue comme un stéroïde anabolisant, je suis extrêmement déçue. Mais souvent, on ne sait pas si le sportif est vraiment coupable. Certains médicaments, comme ceux contre l’asthme, sont interdits, mais un athlète peut y avoir droit s’il est asthmatique. Puisqu’on ignore à qui appartiennent les échantillons d’urine que l’on analyse, on ne sait pas si l’athlète avait le droit d’en prendre.
Cette procédure peut paraître étrange, mais elle permet d’être juste envers tout le monde. Que ça soit l’urine du meilleur joueur de baseball ou du pire joueur de curling, elle sera traitée de la même façon.
Qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans la lutte contre le dopage ?
Je pense qu’on est pas mal arrivé au bout de nos possibilités avec nos méthodes d’analyses. Si un athlète a pris un stéroïde il y a quelques mois, on ne pourra pas le détecter dans son urine, car il ne sera plus là. Il faut que les organisations responsables des tests antidopages soient présentes au bon moment, afin de tester les athlètes à l’entraînement et pas seulement a la compétition.
Y a t’il une sorte de drogue particulièrement dangereuse que prennent les athlètes?
On a retrouvé aux douanes canadiennes des stéroïdes designers. Ce sont des stéroïdes créés dans des laboratoires clandestins et qui n’ont donc pas été testés correctement chez l’humain. On ne connaît pas bien ces drogues : ni ce qu’il y a dedans, ni leurs effets. Jusqu’à maintenant, seuls des cercles très restreints en prenaient, mais j’ai peur qu’avec la publicité qui les entoure présentement, ils gagnent en popularité.
Qu’aimez-vous le plus de votre métier ?
J’aime imaginer les molécules en trois dimensions dans ma tête, j’ai souvent l’impression de faire des puzzles. En plus de ce côté très scientifique, j’aime aussi l’aspect humain, les répercussions sociales qui vont avec mon travail. Je pense que tout scientifique a le devoir de s’améliorer et de regarder les conséquences de son travail, non seulement dans le laboratoire, mais aussi dans la société. C’est pour ça que je fais autant de sensibilisation.
Est-ce que votre bataille contre le dopage peut être frustrante ?
Oui, je suis très impatiente ! Surtout lorsque les fédérations sportives ne prennent pas leurs responsabilités. Certains produits ne sont toujours pas bannis alors qu’ils devraient l’être. On a même retiré de la liste des produits interdits certaines substances comme la pseudoéphédrine (Sudafed) et la caféine, alors qu’elles auraient dû rester illégales. On sait que les jeunes en prennent pour augmenter leurs performances, et on les laisse faire. J’ai du mal avec ça !
Le Laboratoire du contrôle de dopage sportif de Montréal est situé à l’Institut national de recherche scientifique. Lorsque sa directrice Christiane Ayotte arrive le matin, une montagne de travail l’attend.
Ce matin, elle doit regarder les analyses effectuées sur l’urine d’un athlète. L’urine, c’est un réservoir pour le corps, explique-t-elle. Tout ce qui est mangé, bu, fumé, mis sur la peau (dans une crème par exemple) s’y retrouve.
La veille, son équipe a analysé un échantillon avec un spectromètre de masse, un appareil de pointe permettant de déterminer la formule des composés chimiques. Christiane Ayotte s’en sert pour rechercher les drogues interdites par l’Agence mondiale antidopage. Aujourd’hui, elle doit regarder ces analyses. Les techniciens de son laboratoire ont trouvé des traces importantes d’EPO, une drogue de plus en plus utilisée pour épaissir le sang.
Après avoir analysé attentivement les résultats, Mme Ayotte, une experte dans l’utilisation des spectromètres de masses, confirme les résultats. Elle devra en avertir Le Centre canadien d’éthique pour le sport.
Un peu avant dîner, elle reçoit la visite d’une équipe de télévision. Elle se fait un point d’honneur de répondre aux questions des médias. Si elle veut que le sport se fasse de façon propre, il ne faut pas seulement jouer au chat et à la souris avec les tricheurs. Il faut aussi sensibiliser la population aux problèmes du dopage.
Après le départ des caméras, elle consacre le reste de sa journée à ses activités de recherche. Avec ses étudiants, elle cherche de nouvelles façons de détecter les drogues. Elle en parle avec eux, leur donne des idées, supervise leurs travaux. Elle passe aussi beaucoup de temps au téléphone avec d’autres chercheurs qui travaillent avec elle. Christiane Ayotte investit beaucoup d’énergie dans l’amélioration de son laboratoire, pour se donner de nouvelles armes dans la lutte contre le dopage sportif.
Christiane Ayotte a choisi de réaliser un baccalauréat en chimie. Ensuite, elle a fait une maîtrise et un doctorat en chimie organique. C’est lors de son post-doctorat qu’elle a abouti à l’INRS. Elle se servait déjà à l’époque de son spectromètre de masse, mais elle travaillait plutôt en environnement.
Au Cégep :
DEC en sciences pures (2 ans)
À l’Université :
Baccalauréat en biochimie (3 ans)
Et après ?
Les biochimistes ont l’embarras du choix ! Faire de la recherche dans l’industrie pharmaceutique, travailler dans des laboratoires cliniques pour analyser les échantillons de sang de patients malades… ou essayer de démasquer les tricheurs sportifs !