ADN, molécule, biodiversité, conservation… des mots qui appartiennent au langage courant de l’écologiste moléculaire. Née de la fusion de la biologie moléculaire et de la génétique, appliquée à l’écologie, cette récente discipline s’intéresse au monde vivant. Le chercheur étudie la paternité, la diversité génétique ou encore la structure génétique d’une population. Ces recherches pourront par exemple améliorer la production de truites en aquaculture, gérer une population naturelle de cerf, réaliser une expertise sur une carcasse braconnée, ou encore connaitre l’histoire évolutive d’une espèce.
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Louis Bernatchez est écologiste moléculaire et professeur à l’Université Laval depuis 19 ans. Il a intégré l’Institut de Biologie Intégrative et des Systèmes (IBIS) lors de sa création en 2009. Lauréat d’un Prix du Québec en 2012 (la plus haute distinction scientifique au Québec), le scientifique étudie principalement les poissons depuis 20 ans.
Pourquoi cette passion pour les poissons ?
Je suis passionné de biologie depuis que je suis tout petit. Je voulais un emploi en lien avec la nature et la biologie s’est imposée. Mon premier travail portait sur les poissons et ça m’a finalement suivi jusqu’à aujourd’hui. C’est le fruit du hasard.
Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans ton métier ?
La chance de rencontrer beaucoup de gens intéressants, en commençant par les étudiants qui sont dynamiques et motivés. Puis, le réseau international de collègues. Faire partie d’une communauté me donne beaucoup d’énergie.
Quel est l’aspect le plus désagréable ?
Les tâches administratives inutiles. Les processus sont de plus en plus compliqués.
Quelles sont les qualités d’un bon écologiste moléculaire ?
Les mêmes qu’un chercheur en général : avoir du potentiel intellectuel, beaucoup d’énergie et être persévérant. C’est important d’aimer travailler en équipe aussi.
Faire de l’écologie moléculaire c’est finalement toucher à plusieurs disciplines ?
Oui. Ce qui m’intéresse c’est l’évolution. Cela implique de comprendre comment les poissons s’adaptent à leur environnement. Il faut étudier la population sous différents angles : au niveau des gènes, mais aussi de l’écologie, du comportement et quelquefois de la physiologie.
Le projet dont tu es le plus fier ?
Je travaille depuis 20 ans sur le même programme de recherche sur l’origine des espèces. J’étudie comment les espèces évoluent et s’adaptent à leur environnement. C’est de la recherche fondamentale, mais les résultats peuvent nous aider à comprendre si les espèces sont capables de s’adapter ou si elles vont disparaitre lorsque l’environnement change, par exemple lors d’un changement climatique.
Vas-tu sur le terrain pour capturer des poissons ?
Oui, deux à trois par année. Je peux les pêcher ou utiliser des trappes. Pour les analyses d’ADN, je prélève uniquement un petit bout de nageoire sans blesser l’animal, puis je le relâche. En revanche, pour étudier les différences au niveau des organes je suis obligé de le sacrifier.
N’est-il pas difficile de travailler sur quelque chose qu’on ne voit pas à l’œil nu ?
Non pas du tout. Les nouvelles technologies, particulièrement le séquenceur, nous permettent de lire exactement le code génétique d’un individu. Ça devient concret très rapidement. On fait toujours un lien avec les animaux « entiers », ça constitue vraiment un ensemble.
Un résultat surprenant auquel tu ne t’attendais pas ?
J’étudiais la reproduction dans une population de saumon. On pensait que les femelles se reproduisaient avec un ou très peu de mâles dans une saison. Quelle surprise quand les analyses génétiques ont montré qu’elles se reproduisent en moyenne avec 6 mâles et même 18 mâles différents quelques fois !
Deux applications qui peuvent découler de tes recherches ?
En étudiant l’aire de répartition d’un poisson dans le Saint-Laurent, on comprend si la pêche à un endroit précis aura un impact sur la population présente 200 kilomètres plus loin.
Récemment, les analyses génétiques sur des poissons provenant d’épiceries ou de restaurants nous ont permis d’apprendre qu’au Québec, il y a une chance sur deux pour que vous ne mangiez pas les espèces de poissons qui sont annoncées !
T’arrive-t-il de pêcher pour le plaisir ?
J’adore la pêche ! C’est un loisir que je pratique régulièrement en famille.
En se levant, Louis commence toujours par travailler une ou deux heures chez lui avant de rejoindre son bureau vers 7 heures 30. Sa première tâche consiste à s’occuper de la revue Evolutionary Applications dont il est le rédacteur en chef. Il évalue les articles proposés pour publication et fait des choix. Il s’attelle ensuite à lire les courriels reçus pendant la nuit en provenance d’Europe.
Selon les journées, il rencontre quelques-uns de la trentaine d’étudiants qu’il supervise pour parler de leur projet et travailler sur leur publication. L’écologiste passe ensuite une partie de l’après-midi à travailler sur des demandes de financement pour ces futurs projets. Il a justement un appel du Ministère pour discuter de l’avancement d’une de ses recherches.
Sans plus tarder, le professeur doit aussi corriger les examens de ses étudiants et préparer son prochain cours en génétique et conservation de la biodiversité. Avant de terminer sa journée vers 18 heures, il commence à préparer sa présentation pour un prochain congrès. Cinq à six fois par année, le chercheur part aux quatre coins du Monde pour présenter ses recherches. Sans compter ses sorties sur des plans d’eau pour prélever quelques poissons.
Louis Bernatchez a fait un DEC en sciences pures au cégep de Lévis-Lauzon. Il a ensuite réalisé un baccalauréat de biologie et une maitrise en écologie au département de Biologie de l’Université Laval.
Il a ensuite commencé un doctorat sur les corégones avant de s’intéresser aux salmonidés en génétique. Louis Bernatchez a ensuite réalisé 2 postdoctorats (à Montpellier en France et en Ontario) sur la génétique et l’évolution de populations de poissons.
Au Cégep :
DEC en sciences de la nature (2 ans) ou DEC technique (3 ans)
À l’Université :
– Baccalauréat en biologie, écologie ou discipline connexe (3 ou 4 ans)
– Maîtrise en biologie, écologie ou discipline connexe (2 an). Pendant ces deux années, l’étudiant est initié à la recherche et rédige un mémoire.
– Doctorat en écologie moléculaire (3 à 4 ans)
– Stage postdoctoral à l’étranger (1 à 2 ans)
Et après ?
L’écologiste moléculaire peut travailler dans différentes structures : les compagnies pharmaceutiques et biomédicales, les laboratoires médicaux privés, les forces armées canadiennes, le gouvernement du Canada (Santé Canada, Agence de santé publique du Canada…), le gouvernement du Québec (Institut national de la santé publique, Ministère de la Santé et des Services Sociaux) ainsi que dans les universités.